Ecologie, économie, même combat !

Publié le par E.J.

Selon l'édition du 11 avril des Echos, le projet de loi issu du Grenelle de l'environnement est sur les bureaux de Nicolas Sarkozy et de François Fillon. L'objectif est de faire de la France, dès 2020, « l'économie la plus efficiente en carbone de l'Union européenne ».

    La « révolution verte » serait compatible avec les modèles économiques actuels. Le patronat français s’est déclaré satisfait des propositions du Grenelle, reprises dans le projet de loi. Les syndicats et le parti socialiste ont applaudi les mesures envisagées, l’Union européenne s’est dite comblée par cet élan écologique et le ministre PS du climat, Paul Magnette, lance un Printemps de l’Environnement. Jean-Louis Borloo, ministre français de l’Ecologie, du Développement et de l’Aménagement durables, a récemment déclaré : « Il faut continuer à investir dans cette grande bataille technologique mondiale, pour que le développement et la croissance soient durables et compatibles avec les ressources de la planète. Le développement durable n’est pas une mode passagère ou un argument marketing mais le fondement même de la compétitivité de demain ».

    Le contexte géopolitique actuel est propice à un changement de modèle énergétique : les Etats riches aimeraient réduire leur dépendance à l’égard de grands pays pétroliers tels que la Russie, les Etats du Moyen Orient ou le Venezuela. On annonce déjà la construction de nouvelles centrales nucléaires, mesure phare de l’économie verte et du développement durable.

Qu’est ce que le « développement durable » ?

    Les choix politiques actuels reposent, pour l’opinion publique comme pour les dirigeants élus, sur les mesures économiques proposées. La question politique actuellement sur toutes les lèvres est non pas celle de la redistribution des richesses et des ressources mais celle du pouvoir d’achat et de sa dépense. Lorsque Jean-Louis Borloo évoque le développement et la croissance, il relie naturellement ces deux termes à la notion de compétitivité économique. Nos sociétés occidentales décrivent comme développées les sociétés de consommation. Les autres sociétés du monde sont classées selon qu’elles soient « en voie de développement » ou « sous-développées ». La civilisation occidentale de l’automobile, de la télévision et du téléphone portable est celle que le monde entier nous envie.

    Le « développement durable » est un développement économique qui s’inscrit dans la durée. Le président de British Petroleum France, Michel de Fabiani, en donne une définition plus précise : « Le développement durable, c’est tout d’abord produire plus d’énergie, plus de pétrole, plus de gaz, peut-être plus de charbon et de nucléaire, et certainement plus d’énergies renouvelables. Dans le même temps, il faut s’assurer que cela ne se fasse pas au détriment de l’environnement ». Il s’agirait de concilier croissance et protection de l’environnement. Le combat écologique de notre siècle consisterait en une bataille pour avoir toujours plus de bien matériels, grâce à une croissance économique préservée. En même temps, nous devrions faire attention à l’impact produit sur l’environnement, question de morale.

    La croissance est nécessaire aux démocraties consuméristes. Elle rend supportable les inégalités. La tendance au nivellement des conditions de vie est le fondement de nos sociétés modernes. Les inégalités ne sont acceptées que provisoirement, tout le monde a l’espoir d’une généralisation des privilèges d’hier et du luxe pour tous demain. Professeur émérite d’économie à l’université de Paris-Sud, Serge Latouche affirme « qu’un capitalisme écocompatible est concevable théoriquement, mais irréaliste en pratique. Il impliquerait, en effet, une forte régulation, ne serait-ce que pour imposer la réduction de l’empreinte écologique. Dominé par les firmes transnationales géantes, le système d’économie de marché généralisé ne s’orientera pas spontanément dans la voie « vertueuse » de l’écocapitalisme. »

Une décroissance durable

    Serge Latouche rappelle que le problème du développement durable n’est pas nouveau. Il avait titré un de ses articles, en 1993, L’arnaque du développement durable. Le développement durable, simple oxymore ? « Cette contradiction dans les termes, est à la fois terrifiante et désespérante ! Au moins avec le développement non durable et insoutenable, on pouvait conserver l’espoir que ce processus mortifère aurait une fin, victime de ses contradictions, de ses échecs, de son caractère insupportable et du fait de l’épuisement des ressources naturelles… On pouvait ainsi réfléchir et travailler à un après-développement, bricoler une post-modernité acceptable. En particulier, réintroduire le social, le politique dans le rapport d’échange économique. Le développement durable, lui, nous enlève toute perspective de sortie, il nous promet le développement pour l’éternité ! »

    En 1975, la Fondation Dag Hammarskjöld, du nom de l’ancien secrétaire général de l’ONU (1953 à 1961), proposait déjà différentes mesures écologiques. Limiter la consommation de viande, plafonner la consommation de pétrole, utiliser les bâtiments de façon plus économe, produire des biens de consommation plus durables, supprimer les voitures particulières, seraient quelques exemples d’actions possibles. Selon Serge Latouche, le terme de « décroissance », avant d’être un terme commode, désigne une évolution historique complexe. « Une société de décroissance ne peut pas se concevoir sans sortir du capitalisme, dont les bases imaginaires reposent sur la démesure et la domination sans frein. L’élimination des capitalistes, l’interdiction de la propriété privée des biens de production, l’abolition du rapport salarial ou de la monnaie plongeraient la société dans le chaos à travers un terrorisme massif qui ne suffirait pas à détruire l’imaginaire marchand. » Echapper à la croissance n’impliquerait pas de renoncer à toutes les institutions sociales existantes.

    Du point de vue du professeur émérite d’économie, « s’il est exclu de renverser frontalement la domination du capital et des puissances économiques, reste la possibilité d’entrer en dissidence. » Le rêve d’une humanité pétitionnaire unifiée comme condition d’un fonctionnement écologique de la société ne serait qu’une fausse bonne idée. En témoigne le « pacte écologique » de Nicolas Hulot, aussi vite enterré que signé. Changer de modèle énergétique sans modifier le modèle économique risquerait de seulement déplacer les problèmes écologiques. Hervé Kempf, journaliste au Monde, est encore plus radical dans son ouvrage Comment les riches détruisent la planète (Seuil, Paris, 2007) : « Si l’on veut être écologiste, il faut arrêter d’être benêt. »

Publié dans Pouvoir

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C
droit dans le mur c'est parti!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
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