"Un combat qui envisagerait séparément l'écologie et le social serait perdu d'avance"

Publié le par P.F.

Martin O’Brien, 23 ans, est étudiant en sciences politiques à l’ULB. Très engagé pour la cause écologique, il a décidé, après beaucoup de réflexion, de passer à l'étape supérieure: militer de manière active pour la sauvegarde de l'environnement. Il vient de rentrer d'un séjour en Angleterre, où il a participé à des actions contre l'installation de nouvelles centrales d'électricité au charbon. Entretien.

Comment as-tu commencé à t'investir pour l'écologie?

Il s'est écoulé plus ou moins un an entre le fait de me dire "Il faut que tu te bouges" et que je me bouge vraiment (rires). C'est difficile se savoir par où commencer. Ma première grosse prise de conscience a été déclanchée par quelques lectures-clé, comme celles de James Hansen, directeur de l’institut de climatologie à la NASA. Elles m’ont fait rendre compte de la priorité de la question climatique, alors qu'avant je plaçais comme objectif absolu le combat contre les inégalités sociales dans le monde. J'ai compris que, quelles que soient les actions en vue de  réduire les inégalités socio-économiques, elles seraient tôt ou tard annulées par le réchauffement climatique.

Je m'explique: on entend tous les jours que la température va augmenter de 5 degrés dans les prochaines années, et on se dit qu'a priori, ça ne changera pas grand chose (il y aura un peu de désertification, le niveau de la mer augmentera légèrement,... bref ce qu'on lit dans les journaux tous les jours). Mais en réalité c'est bien plus grave que ça: dans les décennies à venir, le réchauffement climatique aura pour conséquences des sécheresses énormes, le niveau de la mer augmentera de manière dramatique, des inondations seront beaucoup plus fréquentes, etc. Phénomènes qui eux-mêmes engendreront des famines, des déplacements énormes de populations, et des conflits qui éclateront dans des dizaines de pays pauvres et déjà instables.
   
Concrètement, que fais-tu actuellement?

Après plus d'un an de lecture et de réflexion sur l'écologie, j'ai trouvé ma première "cible": le renouveau de l'industrie du charbon, une des pires choses qui puissent nous arriver. Comme la demande d’électricité augmente et le prix du gaz naturel aussi, on voit naître de plus en plus de centrales d'électricité fonctionnant au charbon.

N'est-ce pas une ressource naturelle qui s'épuise également?

Il en reste moins que ce qu'on dit, mais suffisamment pour détruire le monde qu’on connait ! Plutôt que d'investir dans de nouvelles centrales à base d'énergies polluantes et amenées à disparaître, il serait plus intéressant d'investir dans des énergies renouvelables, et surtout d'améliorer l'économie d'énergie (par l'isolation des habitats, par exemple). C'est pour ça que je suis parti en Angleterre.

Avec une organisation?

Non, tout seul, comme un grand ! (rires)

Et pourquoi en Angleterre?

J'ai appris que des entreprises privées implantées en Angleterre s'apprêtaient à ouvrir huit nouvelles centrales au charbon. Même si ça représente une goutte d'eau par rapport à la Chine, qui en ouvre deux par semaine, il est essentiel que l'Angleterre, et l'Europe, fassent le premier pas et montrent l'exemple. Sans quoi il serait impossible, et totalement incohérent, de convaincre la Chine et les Etats-Unis de signer un moratoire international sur la construction de nouvelles centrales au charbon. Il existe une alliance de plusieurs groupes qui militent contre ces projets, dont Greenpeace, le World Development Movement (WDM) et beaucoup d'autres. Je les ai rejoints, et j'ai travaillé avec eux pour organiser une mobilisation autour du sujet. Cet été-ci, on organisera un campement près du lieu des futures centrales, accompagné d'actions directes.

Est-ce qu'il y a de l'espoir pour que ces centrales n'ouvrent pas?

On a peut-être une chance de remporter la bataille, pour plusieurs raisons: le gouvernement anglais (travailliste) est actuellement déchiré entre une image verte qu'il essaye de donner de lui-même et sa politique directe, complètement à l'opposé de son discours. Comme sa popularité est en chute, il risque de perdre des voix au profit des conservateurs, qui ne valent pas mieux mais jouent aussi la carte verte. D'autre part, grâce au mouvement social, les ONG exercent tout de même une pression sur le gouvernement. Il y a aussi les médias, qui relayent un regard relativement critique sur le sujet. Mais en même temps, les lobbies des centrales au charbon disposent d'un accès important au gouvernement, et créent une véritable propagande en parlant de "charbon propre", ce qui est totalement trompeur ! La technologie dont ils parlent, qui théoriquement pourrait prendre le CO2 émis par ces centrales et l’enfuir dans le sol, n’existera pas avant 20 ans. C’est beaucoup trop tard. Cette propagande ne sert qu’à tromper l’opinion publique pour qu’elle accepte la construction de  nouvelles centrales au charbon classiques.

Que penses-tu de l'écologie telle qu'elle est mise en avant en Angleterre mais aussi en Belgique et en Europe en général ?

En général, dans les mondes politique et médiatique, et par extension dans l’opinion publique, on peut dire que l’écologie est vue comme un élément en plus à ajouter à notre monde préexistant, peignant celui-ci en vert sans devoir le changer. Le problème avec ce genre de point de vue, c’est qu’on essaie de réconcilier deux réalités incompatibles : d’une part, notre mode de vie actuel basé sur la croissance perpétuelle de biens matériels finis, qui est totalement insoutenable, et d’autre part, un vœu pieux de rendre notre mode de vie réellement écologique et renouvelable. Les politiques actuelles demandent de diminuer un peu la consommation des voitures par-ci, quelques petites taxes sur les énergies par-là. Ce n’est pas sérieux ! La chose la plus importante à retenir si on veut vraiment un monde soutenable, c’est qu’arrivé à un certain niveau de changement climatique, celui-ci s’auto-alimente et est irréversible.

On parle de centaines de millions de victimes potentielles, non seulement si on ne fait rien, mais aussi si on ne fait pas assez. Il est donc impératif qu’une limite d’émissions de CO2 soit fixée et que tout soit fait pour changer notre mode de vie. Economiser l’énergie (plan massif d’isolation), investir dans les énergies renouvelables, et relocaliser nos économies (rapprocher le producteur du consommateur), sont toutes des choses qu’il faut faire maintenant. C’est un réel effort de guerre dont on a besoin, mais on y arrivera que si on tient compte des inégalités sociales. Il faut que l’Etat soutienne les moins aisés dans leur transition vers une vie soutenable, sans quoi, ces politiques ne recevront jamais le soutien nécessaire pour les mettre en œuvre. Un combat qui envisagerait séparément l'écologie et le social serait perdu d'avance.


GE's Ecomagination advertisement for clean coal using models for miners (publicité pour l'usage écologique du charbon) :

Publié dans Pouvoir

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