En Italie, législatives et sénatoriales : la grande lassitude

Publié le par S.G.

Avec les législatives et les sénatoriales des 13 et 14 avril, les électeurs italiens élisent leur nouveau gouvernement. Le 62ème en 63 ans de République italienne. La Chambre des députés et le sénat ayant des pouvoir équivalents, il est impératifs pour tout parti politique d’obtenir la majorité dans les deux chambres. Les trois millions d’italiens de l’étranger ont déjà voté, avec un taux de participation proche de 42 %.

La partie de carte est finie. On ramasse le jeu. On mélange. Et on redistribue. Qui fera le pli ? Les même figures ressortent, inlassablement. A droite, la « maison des libertés » s’appelle désormais le « peuple de la liberté ». A sa tête, Silvio Berlusconi. A gauche, « les forces de l’union » de Romano Prodi laissent désormais place au « parti démocrate », centre-gauche. A sa tête, Walter Veltroni. Les deux grands partis en lice.

Pourquoi M. Prodi a-t-il quitté la scène ? Le Président du Conseil sortant, Romano Prodi, démissionnait en janvier 2008 et décidait de se retirer de la vie politique. Son gouvernement (650 jours) a été le second plus court de la République italienne. « Je quitte la politique. Mon avenir est serein. Le monde est plein d'opportunités », « j'ai décidé de ne pas être candidat pour ouvrir la voie à un changement de génération qui est nécessaire. Quelqu'un doit donner l'exemple », déclarait-il en mars dernier. C’est Walter Veltroni qui reprend le flambeau. Maire de Rome jusqu’en février dernier, il a démissionné. Pour lui, place à la campagne pour le poste de Président du conseil des ministres italien. « Moins de bureaucratie, moins de conservatisme. Plus de croissance, plus de liberté, ce sont les axes qui guideront notre programme » a déclaré Walter Veltroni. S’inspirant du slogan de Barack Obama, candidat démocrate aux Etat-Unis, le slogan de M. Veltroni est « oui, nous pouvons le faire ». Le slogan de Silvio Berlusconi ? « la gauche a mis l'Italie sur les genoux, Italie relève toi ». Le style Berlusconi n’est plus à décrire. Les blagues de banquet, les dérapages, la désinvolture. Les italiens sont las. Selon Marc Lazar, professeur à l’Institut d’études politiques de Paris, deux types d’électeurs lui sont acquis, « les chefs de petites et moyennes entreprises, notamment du Nord du pays, les professions libérales, les commerçants et les artisans à qui il promet une réduction de leurs taxes et la liberté d'entreprendre et qui apprécient les valeurs d'individualisme, d'argent et de travail qu'il met en avant ; et les laissés pour compte de la société, les personnes âgées, les Italiens peu diplômés et peu politisés auxquels il promet sécurité et protection ».

Un « changement de génération » ?

Voulu par M. Prodi, le « changement de génération » de la classe politique italienne ne semble pas vraiment se profiler. Paradoxe dans ce pays où l’on s’efforce de paraître jeune : ceux qui le sont réellement ne sont pas écoutés par la classe politique. Cette partie de l’Italie qui fait l’apologie du « paraître » se retrouve incarnée par Silvio Berlusconi : implants capillaires, jogging matinal, bronzage artificiel et blagues potaches.

Dans les isoloirs, attention aux étiquettes. La date limite d’utilisation est souvent dépassée. En Italie, tout candidat à la fonction de sénateur doit être âgé d'au moins 40 ans et seuls les électeurs âgés de plus de 25 ans élisent les membres du Sénat. Bémol : un quart de la population a moins de 25 ans… Exactement la même proportion que les plus de 65 ans ! La génération de jeunes italiens qui ne gagne pas plus de  mille euros a désormais un nom, les « milleuristes ». Antonio Incorvaia leur donne la parole sur son site Internet (generazione1000.com). Solution facile pour cette génération précaire qui vit encore chez ses parents à la trentaine : « comme père, je vous conseille d'épouser le fils de Silvio Berlusconi ou de quelqu'un de similaire. Avec le sourire que vous avez, vous n'aurez aucun problème ». Silvio Berlusconi répondait à une jeune italienne, venue l’interroger à la télévision sur la difficulté pour la jeunesse de trouver un emploi stable et d’élaborer un projet de vie. Coup médiatique ? Coup de bluff ? Après l’émission, la jeune femme déclarait vouloir voter pour lui. Elle se retrouve même sur la liste des candidats pour les municipales à Rome...

Blocage. Manque d’enthousiasme des électeurs. Pas vraiment d’illusion quant aux réformes à venir. Un mépris généralisé de la classe politique. La démographie italienne et la situation économique, entre autres, ne favorisent pas l’arrivée de sang neuf sur la scène politique. « En Italie, même ceux qui ont perdu des élections se représentent. C’est le symptôme d’une classe politique qui ne veut pas renoncer au pouvoir », déclarait le sémiologue Umberto Eco au quotidien espagnol El País. Alors peu importe qui gagne, qui perd, on redistribue les cartes et on continue à jouer. Les annonces sont nombreuses, mais l’on cache soigneusement son jeu.

Publié dans Monde

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