Les biocarburants : la panacée ou l’arnaque ?

Publié le par S.G.

Face au réchauffement climatique, à la raréfaction des réserves de pétrole et à la flambée des prix du brut ces dernières années, les « biocarburants » apparaissent comme la panacée. Mais c’est sans compter avec leurs conséquences environnementales et alimentaires : renchérissement des prix des matières premières agricoles, impact sur l’accès à l’alimentation pour les plus pauvres, déforestation accrue pour plus de surface cultivable et une main d’œuvre sous-payée dans certains pays producteurs.
 
Maïs, colza, orge, blé, betterave, canne à sucre… Voilà quelques unes des matières premières agricoles qui peuvent servir à la fabrication des biocarburants. Ils sont produits à partir de matériaux organiques renouvelables, d’où leur nom de « carburant vert ». Ces combustibles peuvent être oléagineux (huiles), liquides (alcools), gazeux (hydrogènes) ou solides (charbon de bois par exemple). Pour leurs partisans, une fois mélangées à de l’essence ou du gazole, ils permettent de diminuer la consommation de pétrole et donc les émissions de carbone.

L’intérêt pour leurs utilisateurs ? Les biocarburants se substituent partiellement ou totalement aux carburants pétroliers, une panacée pour l’Union européenne et les Etats-Unis, gourmands en énergie et trop dépendants de l’or noir. D’ailleurs, les deux régions font des biocarburants un axe important de leur politique énergétique. Les 27 pays de l’Union se sont fixé comme objectif de réduire de 20 % leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici 2020, par rapport à leur niveau de 1990. Les biocarburants devront désormais représenter au minimum 10 % de la consommation totale d’essence et de gazole dans les transports européens. Aux Etats-Unis, cette part a été fixée à un niveau plus élevé : 15 %. Il s’agit de favoriser l’indépendance énergétique des pays.

Pourtant, les biocarburants préfèrent en général les climats tropicaux... Le rendement d’éthanol produit à partir de la canne à sucre au Brésil est plus élevé que celui obtenu à partir de surface équivalente de colza cultivée en Europe. Et la fabrication d’ethanol coûterait moins chère au Brésil. Les Etats-Unis ont d’ailleurs appliqué des taxes dissuasives à l’importation d’éthanol brésilien, alors qu’ils subventionnent les exportations d’éthanol domestique produit à partir de maïs. Aux Etats-Unis toujours, près de la moitié des surfaces cultivées de maïs est issue de cultures transgéniques, une véritable manne pour les firmes de l’industrie de la biotechnologie alimentaire.

En Belgique, les biocarburants ont séduit. La Région wallonne met en avant le fait que « deux grandes filières techniquement au point sont particulièrement prometteuses pour la Wallonie : la filière huile et la filière sucre ». Des initiatives ont vu le jour pour favoriser leur production et leur utilisation. Ainsi, le pays s’est récemment doté d'un programme scientifique, Technose, visant à remplacer le pétrole et les produits dérivés par des composants cent pour cent écologiques. L’objectif : remplacer le pétrole comme source d'énergie mais aussi comme matière première pour l'industrie chimique. Le coût de cet investissement ? Quelques deux millions d'euros par an pendant cinq ans, dont la moitié seront consentis par la Région wallonne et l'autre moitié par le partenariat interuniversitaire au travers de financements européens et privés. Selon l’asbl wallonne Valbiom, en tenant compte de « l'incertitude sur les volumes de carburant, qui dépendent notamment du prix du pétrole, environ 550 000 tonnes équivalent pétrole de biocarburants devraient être mis sur le marché à l'horizon 2010 ».

Pour les partisans des biocarburants : une alternative pour diminuer la consommation de pétrole et réduire le réchauffement climatique.

Pour ses détracteurs : un gaspillage des ressources alimentaires, sans réels impact positif sur l’environnement.

Même si les biocarburants émergent comme une solution aux problèmes de réchauffement climatiques, ils ne seraient pourtant pas la panacée. Leur production soulève de nombreuses questions, notamment sur le plan éthique et écologique. L’espace nécessaire pour ces nouvelles cultures favoriserait la déforestation, notamment dans les pays en développement. De plus, l’utilisation de matières premières agricoles dans la production de biocarburants entraînent la hausse des prix des denrées alimentaires, et pénalisent les populations les plus pauvres. De plus, des spécialistes avancent que le processus de fabrication et le raffinage de certains biocarburants consommeraient une énergie supérieure aux économies réalisées en terme d’émission de carbone. De plus, les rendements agricoles étant pour partie dépendant des aléas climatiques, les bourses spéculent sur les récoltes. Côté humain, les conditions de travail des coupeurs de canne à sucre au Brésil sont bien souvent apparentées à celles de l’esclavage.

Même si l’on ne peut accuser les biocarburants de tous les maux, leur production mériterait un développement qui prendrait mieux en compte le coût environnemental et social. Dans un article publié dans le quotidien anglais The Independant on Sunday, Jonathan Johns, l’un des spécialistes des énergies renouvelables du cabinet de conseil Ernst & Young déclarait que « ce serait une erreur de rester coincé avec les biocarburants de première génération » et certains spécialistes proposent de reconvertir les usines de transformation de produits agricoles pour le traitement de la cellulose (biocarburant de seconde génération).

Publié dans Monde

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